dimanche 29 septembre 2024

Ceux qui sont en laisse (featured DS)


 

Tu voulais du médiocre et moi j'en avais pasTu voulais l'univers et moi j'avais que moiTu voulais le silence quand j'étais que musiqueQu'on marche parallèle quand j'allais qu'à l'obliqueTu voulais des rivières au milieu du désertTu voulais les voyages, moi j'étais sédentaireQue je fasse des chansons qui m'emmènent au sourireJ'y peux rien moi je n'ai que des larmes à leur direEt des plaines de pluie pour unique empire
 
Quand je serai parti qui lira mes poèmesUn autre romantique qui se verra en moiIl se dira sans doute "Oh c'est beau comme il l'aime"Mais qu'il sache que je n'ai jamais aimé que moiQu'au lit ou dans le cœur, l'égoïsme est la mèreDes générosités
 
Que les femmes me pardonnent de n'être fait pour ellesD'être comme un nuage qui recherche son cielDe n'être qu'un navire toujours à la détresseEt cette envie de fuir de ceux qui sont en laisse
 
Pardonnez-moi vous tous qui vous liez les mainsVous qui pensez qu'à deux vous ferez mieux le cheminVous qui pensez que l'autre vous sauvera la peauAlors que de votre âme il fera des lambeauxEn amour que l'on soit le plus grand des guerriersOu la triste brebis qui cherche le bergerOn finit tous à terre à chercher les morceauxAu bord du précipice à deux pas du grand sautÀ deux pas du tombeau

Nuits sans L


 

C’est une nuit sans âme

Une nuit pour ces dames

Qui noient un peu de chagrin

Dans un frisson au matin

Errant défunt refermé

Au cœur sec des vieux étés

 

C’est une nuit sans drame

Sans temps mort ni trame

Sans abri au cœur du temps

Pour échapper aux printemps

Des mirages d’absinthe

Qui naissent au cœur des saintes

 

C’est une nuit sans charme

Sans regrets et sans aubes

Sans crainte des insomnies

Qui crevaient jusqu'aux abris

Ma douceur d’anciens baisers

Et mon cœur trop apeuré

 

Mais il me manque une être

Et peut-être une lettre

Pour que mes nuits sans elle

S'en aillent à tire d'ailes

Il me manque encor celle

qui sera mon hirondelle

vendredi 27 septembre 2024

Débarqués


 

Sous un ciel gris-bleu acier qui rappelait les orages de fer et plongeait en roulant jusqu’à la mer aux grisailles d’acier, des barbelés rouillés dessinaient un collier perlé de trous d’obus sur l’horizon d’une histoire faite de courage et de sang. Il faisait beau, il faisait clair dans mon cœur et sur ces terres de conquête, j’ancrais l’amour infini d’une main blottie dans la mienne, tandis qu’on déambulait sur les plages de galets et de rochers.

Ces mêmes rochers qui abritèrent à la nuit venue, des étreintes incendiées, brûlantes comme les balles qui transperçaient les soldats dans l’aube blême d’un jour de juin. Ils luisaient sous la lune et dans le ressac qui venait les frapper, j’engloutissais tous mes pas boiteux, mes doutes et mes terreurs d’enfant. Elle devenait roc à son tour où je m’agrippais à  ses reins comme on s’accroche à une bouée pour ne plus jamais sombrer.

Sur ce lieu de mémoire chargé de tant de sacrifices, je n’ai pas vu venir l’abandon qui précède l’oubli. Aux étendues de croix blanches baptisées à la va vite, crevant les ventres d’inconnus venus mourir sur un sol qu’ils n’avaient foulé que quelques secondes, j’ai creusé mon propre tombeau et j’ai fécondé les marées d’un peu plus de larmes. J’ai vu passer tant de nuits incendiées et d’aubes blêmes que ma mémoire a fini par effacer les souvenirs.

Ce matin, sous un ciel gris-bleu acier, les barbelés n’en finissent plus de rouiller, dessinant un collier perlé d’oubli sur une plage déserte. Les mains se sont déliées et c’est peut-être mieux ainsi car il faut laisser les cœurs s’épanouir, loin des souvenirs et des soupirs. Dans ma mémoire abasourdie, il restera un trait de lumière que des presque enfants ont entrevu dans un dernier assaut avant de mourir sur des rochers luisants piétinés par les amants.

Ma mémoire s'est enfuie derrière les fils de fer barbelés qui ne retenaient plus que quelques lambeaux de souvenirs échevelés aux nuages gris-bleus acier. Ce sont les fugaces témoins d'une histoire oubliée qui mentait le destin des hommes, quand l'océan se mélangeait à leur peine et creusait des trous d'obus dans les cœurs enfiévrés.

Et dans l'aube blême, il ne subsiste plus que la tiédeur d'une main dans la mienne, ultime sensation des débarqués de leur plein gré...

jeudi 26 septembre 2024

Ailleurs


 

Ailleurs, à peine endormi sous un ciel éteint
Où l’aube est si farouche, te verrai-je encore ?
Te verrai-je sans la folle ivresse de nos matins
Quand sur nos lèvres s’attardaient de doux accords ?

Ailleurs, dans ce qui ne cesse de renaître,
Faudra-t-il marcher en de trop longues saisons ?
Et sentir la douleur venir dans tout mon être,
Te chercher jusqu’aux portes de ma déraison ?

Tenir à flot cette barque chargée de nous,
Dans la grande et si belle mer de nos amours
Dont les vents appellent les nuits de nos rendez-vous
Qui se faisaient plus sages à la pointe du jour.

Mon amour, sous le linceul d’un vieil automne
Où le jour souffrira, las de nous attendre,
Quelle force me guidera, quand tout s’abandonne,
Pour qu’enfin je te vois vêtue de nos cendres ?