dimanche 29 septembre 2024
Ceux qui sont en laisse (featured DS)
Nuits sans L
C’est une nuit sans âme
Une nuit pour ces dames
Qui noient un peu de chagrin
Dans un frisson au matin
Errant défunt refermé
Au cœur sec des vieux étés
C’est une nuit sans drame
Sans temps mort ni trame
Sans abri au cœur du temps
Pour échapper aux printemps
Des mirages d’absinthe
Qui naissent au cœur des saintes
C’est une nuit sans charme
Sans regrets et sans aubes
Sans crainte des insomnies
Qui crevaient jusqu'aux abris
Ma douceur d’anciens baisers
Et mon cœur trop apeuré
Mais il me manque une être
Et peut-être une lettre
Pour que mes nuits sans elle
S'en aillent à tire d'ailes
Il me manque encor celle
qui sera mon hirondelle
vendredi 27 septembre 2024
Débarqués
Sous un ciel gris-bleu acier qui rappelait les orages de fer et plongeait en roulant jusqu’à la mer aux grisailles d’acier, des barbelés rouillés dessinaient un collier perlé de trous d’obus sur l’horizon d’une histoire faite de courage et de sang. Il faisait beau, il faisait clair dans mon cœur et sur ces terres de conquête, j’ancrais l’amour infini d’une main blottie dans la mienne, tandis qu’on déambulait sur les plages de galets et de rochers.
Ces mêmes rochers qui abritèrent à la nuit venue, des étreintes incendiées, brûlantes comme les balles qui transperçaient les soldats dans l’aube blême d’un jour de juin. Ils luisaient sous la lune et dans le ressac qui venait les frapper, j’engloutissais tous mes pas boiteux, mes doutes et mes terreurs d’enfant. Elle devenait roc à son tour où je m’agrippais à ses reins comme on s’accroche à une bouée pour ne plus jamais sombrer.
Sur ce lieu de mémoire chargé de tant de sacrifices, je n’ai pas vu venir l’abandon qui précède l’oubli. Aux étendues de croix blanches baptisées à la va vite, crevant les ventres d’inconnus venus mourir sur un sol qu’ils n’avaient foulé que quelques secondes, j’ai creusé mon propre tombeau et j’ai fécondé les marées d’un peu plus de larmes. J’ai vu passer tant de nuits incendiées et d’aubes blêmes que ma mémoire a fini par effacer les souvenirs.
Ce matin, sous un ciel gris-bleu acier, les barbelés n’en finissent plus de rouiller, dessinant un collier perlé d’oubli sur une plage déserte. Les mains se sont déliées et c’est peut-être mieux ainsi car il faut laisser les cœurs s’épanouir, loin des souvenirs et des soupirs. Dans ma mémoire abasourdie, il restera un trait de lumière que des presque enfants ont entrevu dans un dernier assaut avant de mourir sur des rochers luisants piétinés par les amants.
Ma mémoire s'est enfuie derrière les fils de fer barbelés qui ne retenaient plus que quelques lambeaux de souvenirs échevelés aux nuages gris-bleus acier. Ce sont les fugaces témoins d'une histoire oubliée qui mentait le destin des hommes, quand l'océan se mélangeait à leur peine et creusait des trous d'obus dans les cœurs enfiévrés.
Et dans l'aube blême, il ne subsiste plus que la tiédeur d'une main dans la mienne, ultime sensation des débarqués de leur plein gré...
jeudi 26 septembre 2024
Ailleurs
Ailleurs, à peine endormi sous un ciel éteint
Où l’aube est si farouche, te verrai-je encore ?
Te verrai-je sans la folle ivresse de nos matins
Quand sur nos lèvres s’attardaient de doux accords ?
Ailleurs, dans ce qui ne cesse de renaître,
Faudra-t-il marcher en de trop longues saisons ?
Et sentir la douleur venir dans tout mon être,
Te chercher jusqu’aux portes de ma déraison ?
Tenir à flot cette barque chargée de nous,
Dans la grande et si belle mer de nos amours
Dont les vents appellent les nuits de nos rendez-vous
Qui se faisaient plus sages à la pointe du jour.
Mon amour, sous le linceul d’un vieil automne
Où le jour souffrira, las de nous attendre,
Quelle force me guidera, quand tout s’abandonne,
Pour qu’enfin je te vois vêtue de nos cendres ?