vendredi 8 novembre 2024

Mine de rien

 

Les rubans claquaient dans le vent comme des lambeaux de chair, ruisselant le long des os en plein hiver

Les cils voilés d’ombres amères, elle riait au souvenir des tombeaux qu’elle avait ouvert, juste pour se sentir un peu fière

Juste pour sentir la terre sous ses pieds et se foutre éperdument de la transformer en cimetières de tous les amants qu’elle laissait derrière

Elle faisait sa guerre jusqu’en prendre le nom, même si naguère elle en avait souffert tous les sons et toute la fureur des canons

Moi je n’avais qu’un seul ruban à mon cœur, qui suffisait à mon bonheur et qui avait la douceur de ses yeux verts pour vivre en couleur

J’aurais pu vivre un peu plus vieux dans les tranchées où elle se retranchait. J’aurais pu… Mais derrière sonnait déjà le clairon

Les chevaux éventrés pour abriter la terreur, la pluie de fer, de sang et ses regards éteints, je les ai tous peint dans les matins

Sous mes doigts givrés, les fusains courraient en vain à l’assaut d’une putain en prières qui mettait mes vingt ans à l’envers

Affalée dans les chardons des mineurs de charbon coureurs de galeries et de jupons en plein air qui traînaient leur gueule cassée

Maquillée à la mine des crayons pour mendier la tendresse en haillons et teinter les os des trépassés aux mains en moignons

Ce matin, le clairon a sonné ses dernières mesures. J’ai posé mes fusains ou mon fusil je ne sais plus, tant craquaient les coutures

Mais j’entends encore les rubans qui bruissaient dans le vent, qui emportait mes souvenirs d’adolescent et l’odeur de ses cheveux

Sous le ciel plombé de novembre…

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