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« Nankurunaisa » est l’un des mots les plus beaux du monde de mon point de vue. En japonais, il signifie « avec le temps, tout se règle ». C’est drôle comme je trouve que ce mot nous va bien à tous les deux et je t’imagine aisément le poser au centre d’une toile pour y faire jaillir tout autour, ton talent, ta sensibilité artistique, les reflets moirés de tes regards sur le monde…
Avec le temps tout se règle et même les vers que je couche au hasard de mes errances poétiques s’imprègnent de ce baume à l’âme. Je me suis éloigné des précipices et je cueille désormais mes mots au cœur des plaines, au bord d’une rivière chantante, sous un arbre…
Avec le temps, tout se règle. Il m’en a fallu pour faire la paix avec moi-même et sans doute trouveras-tu ces mots étranges, tardifs ou mal à propos. Qui suis-je en effet pour te les écrire ? Je suis l’un de ceux qui un jour, a croisé tes regards et y a vu l’univers tout entier. Je suis une infime partie de toi car d’un seul baiser, tu as semé une graine minuscule en moi. Et malgré la noirceur, malgré le givre qui m’enserrait le cœur, elle a germé, doucement, silencieusement.
Avec le temps tout se règle. Il me fallait auparavant aller au bout du chemin, affronter les pentes et les cailloux, la chaleur et la soif, le désespoir et l’épuisement. Il me fallait affronter seul cette épreuve pour entrevoir dans la pierre, non pas un obstacle mais une nouvelle fondation. Et pendant tout ce temps, tu étais là, dans mes pensées, dans l’ombre ou dans la lumière. Tu étais là à chaque instant et tu n’imagineras jamais la force que tu m’as donné. J’en suis même presque honteux car je sais les épreuves que tu as traversées, peut-être encore plus seule que moi…
Avec le temps, tout se règle. Et je n’oublie jamais les élans qui nous ont poussé l’un vers l’autre. A l’époque tu étais plus solide que moi, malgré tout ce que tu pourrais croire. Je ne voulais pas t’embarquer dans une relation qui t’aurait fragilisée, tant ta reconstruction était source d’inspiration pour moi.
Avec le temps tout se
règle. Et j’ai conservé intact le parfum de ta peau, les notes florales d’un
parfum de femme enfant, deux fossettes au coin de tes joues qui donnent envie
d’y croquer à pleine bouche, le petit pli au coin de tes paupières quand tu
ris, la danse de tes doigts quand tu parles. J’ai tout observé tu sais… Et j’ai lu
dans ton cœur ce simple mot : « Nankurunaisa » !