jeudi 27 juin 2024

In "Vous couperez au montage" - dialogue...

 


Camille sentit une onde glacée de colère remonter du tréfonds de son être et, pour la première fois, franchir la barrière de sa gorge pour s'exprimer en mots, en regards, en mortelle pâleur. Goliath ne lui faisait plus peur au point de le fuir et elle lança le premier jet de fronde :

"Toi t’es un caméléon !

Pourquoi dis-tu cela ? s'étonna Lenclos

Parce que tu te rêves roc alors que tu n’es que la mousse qui affleure en surface ou dans les interstices en prenant la couleur du granit. Et parce qu'accroché ainsi, tu crois devenir rocher à ton tour.

Je suis donc une personne mauvaise et coupable de m’accrocher à quelque chose ?

C’est pire que ça, lâchât Camille : tu étouffes le roc et tu plonges deux règnes dans l’abîme. Dans la nature, le minéral et le végétal s’autorégulent. Dans ta nature, le second ne sert rien d’autre que ton besoin de reconnaissance, ta propre estime de toi et au final, ta place dans un monde qui n’a jamais été le tien. Ta vie tout entière n’est qu’un phénomène de mimétisme. Tu te ferais pute si tu aimais un maquereau, rockeur de sous-préfecture si on te balançait des riff de guitares dans les oreilles, peintre raté si on s’extasiait devant tes croûtes. T'aurais même pu être punk à chien si ta crasse mentale ne puait pas autant ! Au lieu de ça, t’as choisi le cinéma. Pas parce que tu as du talent mais parce qu’il te permet de vivre mille vies sauf la tienne !

Il m’a donné un public, se défendit Lenclos.

La belle affaire s’esclaffât Camille ! Ton public ? parlons-en ! Ton "public" tu ne l’aimes pas parce que tu es incapable d’aimer, parce que tu ne sais pas aimer. Toute ta vie n’est qu’une succession d’amours ratées. Tes vieux ne s’aimaient pas et ne t’aimaient pas. Tes liaisons, tes mariages et mêmes les gosses que tu as produit sont des échecs patents. Dès que tu touches à l’amour, tu le salis ! Je te hais pour ça ! »

Pourtant je t’aime toi ! Je t'ai aimé dès le premier jour et tous les suivants que tu gâchais dans tous les délires que tu as suivi...

Non tu ne m’aimes pas ; tu n’aimes que ce qui te permets de rester caméléon, de t'habiller des couleurs des autres et au final, de bouffer leur lumière avant de les recracher quand ils n'ont plus rien à t'apporter ! Ton existence de petit garçon bouffé par l'injustice ne tient qu'en quelques mots : tu n'as jamais su mieux servir ce qui t'a fait le plus souffrir et tu sèmes l'injustice autour de toi, pour te rassurer, pour rester dans ta zone de confort. Te souviens-tu de cette soirée où tu m'as sorti de garde à vue ? Tu m'as embarqué dans ta voiture en me disant que tu n'aimais pas ce que j'étais devenue. Moi, je n'aimais plus ce que tu n'as jamais été et tu en es seul coupable..."